Éloge de la lenteur…
Ce roman est étrange et envoûtant… Mais comme j'ai eu du mal à m'y glisser! J'ai failli abandonner dix fois, mais j'ai du mal à lâcher un roman (même si maintenant je le fais parfois) et puis… Et puis il m'avait été conseillé. Une fois de plus, n'arrivant pas à choisir entre tous les romans de la pile qui attend sur ma table de nuit et dépasse maintenant le sommet de ma lampe, je suis allée il y a une semaine ou deux demander à ma super libraire: "Qu'avez-vous à me conseiller?". Maintenant elle me connaît, elle ne s'étonne plus d'une demande aussi vague. Ses yeux se sont mis à briller et elle m'a dit: "J'ai lu ça… " en prenant en main le petit livre de poche "Les années douces" de Kawakami Hiromi. Et elle a ajouté "C'est comme ça…" en faisant un large mouvement horizontal de la main, bien à plat, paume vers le bas. Qu'est-ce que cela voulait dire? Sérénité ou platitude? Douceur (comme l'indique le titre) ou… ou quoi ? Je ne lui ai pas demandé de préciser, j'ai acheté le livre.
C'est doux. C'est lent. Au début cela semble décousu. Et puis le quotidien tisse sa trame, les sentiments les plus ténus prennent corps…
Une femme, Tsukiko, très solitaire, raconte ses moments de rencontre avec celui qu'elle appelle "le maître", et qui lui a enseigné la littérature japonaise lorsqu'elle était étudiante. Ils se promènent, boivent sec, il la rabroue, elle s'énerve… L'intrigue est mince, les petits gestes prennent sens… Vont-ils s'aimer ou s'éloigner?
Certains pourraient dire que c'est plat. Lorsque je suis enfin entrée dans le récit, je l'ai trouvé d'une incroyable délicatesse.
Et l'une des choses qui m'ont frappées, c'est la lenteur. Moi qui écris pour la jeunesse, et qui lis pas mal de livres jeunesse, je crois que je finis par avoir besoin que les histoires commencent sur les chapeaux de roue, décollent à la vitesse de la lumière, et nous emportent à perdre haleine, à la façon des polars.
Retrouver un rythme lent, l'accepter, m'a fait m'interroger sur cette urgence, cette peur de perdre le lecteur (enfin, il me semble). A-t-on le droit d'installer un enfant dans un récit doux et lent? Ou bien n'est-ce plus possible? Les films, les jeux vidéos, ont habitué les jeunes à un rythme haletant. Peut-on y déroger?
Et puis j'ai appris que Kawakami Hiromi était une femme, et qu'elle était archi connue au Japon…