Tous les auteurs que je connais et qui sont allés au salon de Beyrouth m'ont dit que c'était une merveille, et je les crois volontiers. Ceux de mes amis qui ont visité cette ville me la décrivent comme attachante, et je les crois aussi! Je suis en train de lire "Les désorientés" d'Amin Maalouf, et le parfum de la mer, des pins et de la mélancolie arrivent jusqu'à moi. C'est une ville que je rêve de voir, j'y suis invitée… Alors pourquoi renoncer, à un mois du départ?
Je sais depuis le début que le Liban est une terre complexe, qui a longtemps été déchirée par la guerre. Mais depuis des semaines nous sommes "bombardés" de nouvelles alarmantes du Moyen Orient. Le mot "guerre" revient dès que j'allume la radio, dès que j'ouvre Courrier International ou que je me risque aux infos télévisées.
La prise en otage d'un ressortissant français en Algérie il y a deux jours m'a fait prendre cette difficile décision après des jours d'hésitation. L'assassinat hier de cet otage, et la liste de 30 pays potentiellement dangereux définie par la France (entendue à la radio, annoncée par les médias, et apparemment transmise aux ambassadeurs), parmi lesquels se trouve le Liban, ne sont pas pour rassurer. Mes enfants et mon mari étaient très inquiets, et chez mon fils aîné, que mes plus proches connaissent, cela a tourné à la panique totale.
Bref, je suis absolument confuse de savoir que des enseignants, des documentalistes et des jeunes ont travaillé sur mes livres et que je vais les décevoir. Je suis désolée aussi de mettre sans doute Blandine, adorable organisatrice, en difficulté.
Vu depuis le Liban, ma décision peut sembler exagérée, je ne sais pas. Vue de chez moi, ce sont des nuits d'incertitude, une famille à gérer, et une peur qui ne s'en allait pas. J'ai donc préféré dire "non" avant la toute dernière minute, avant de recevoir mes billets d'avion…
Si les élèves libanais souhaitent concocter un mail commun avec des questions, je leur répondrai, tout en sachant que cela ne remplace pas une rencontre "en vrai". Et si une autre année, un peu apaisée, je suis de nouveau invitée, j'espère découvrir sereinement cette ville, cet ailleurs dont je rêve.