Jusqu'où aller dans le dévoilement, alors que ces pages sont ouvertes à tous vents, à tous lecteurs? En même temps je me dis qu'on ne peut pas toujours se cacher derrière une "vitrine" qui masque celui qui parle…
Demain, la rentrée pour mes enfants. Mais non, ils ne sont plus en CP. Depuis longtemps. Mais rentrer au lycée c'est quelque chose. Quitter l'enfance. Apprendre le trajet, entrer dans la peau enviée et crainte du jeune qui est autonome. Je ne m'inquiète pas, demain ma fille va revenir ravie de sa première journée, déjà pleine d'envies de faire et de rencontrer.
Mon aîné, lui, part dans une autre ville, le bac en poche. "Tout va bien", donc. Tout va bien parce que depuis 18 ans nous nous battons. Durant 17 ans, nous nous sommes battus contre un ennemi qui n'avait pas de nom. Un je-ne-sais-quoi qui mettait toujours cet enfant en décalage. Durant tout ce temps je n'ai écouté aucun oiseau de mauvais augure. Tous ces "Il ne sera jamais bon en anglais", "Il ne pourra pas suivre au collège", "Comment voulez-vous qu'il ait son bac", on les a fait mentir. Il a progressé, bon gré mal gré. Et puis un soir, quand il avait 17 ans, j'ai lu sur le net, complètement par hasard, le témoignage d'un adulte qui racontait son tardif diagnostic de "syndrome d'Asperger", sa vie, sa solitude, ses difficultés avec ses pairs… Je me suis dit "Mais c'est tout à fait Léo, ça". A partir de là, un long "parcours du combattant", comme disent bien souvent les parents d'enfants handicapés - et comme ma mère l'a toujours dit à propos de mon frère. J'ai tiré le fil, grâce à des amis. En un an le diagnostic était posé par une spécialiste. Un nom était donné aux difficultés de mon fils. Syndrome d'Asperger: un autisme sans déficience intellectuelle. Un nom ce peut être une étiquette qui colle à la peau, comme je l'ai dénoncé dans "Un copain pas comme les autres". Ce peut être aussi un fil rouge, qui aide enfin à aider, qui ouvre la voie à des interlocuteurs expérimentés, à des aides dans la scolarité. Pour la première fois une AVS en terminale. Pour la première fois quelqu'un qui vient expliquer aux "camarades" de mon fils qu'il est conscient de ses particularités, qu'il faut arrêter de le persécuter.
Tout à l'heure je l'emmène dans la ville où il va préparer un BTS. Mercredi il fait sa rentrée. Tout ceci dit en deux phrases semble si anodin. Cela cache des heures de préparation, de mise en relation des interlocuteurs, de recherche d'une famille d'accueil (et celle que nous avons trouvée est formidable), de réveils à l'aube avec en tête des listes de choses à faire…
Est-ce un succès? C'est un chemin qui continue, qui s'ouvre un peu plus à chaque tournant. Rien n'est certain, mais tout reste possible. C'est un espoir qui demeure.