Bon. Très bien. Et alors?
Alors allez savoir pourquoi, ce livre m'a toujours intimidée, malgré mes études de lettres et ma boulimie de lecture. A cause du mot "Magnifique" dans le titre? Sans doute plutôt par méconnaissance. Je suis passée à côté pendant des années…
Et puis il y a quelques semaines sort la dernière adaptation en date de ce roman. Je suis allée la voir. Leonardo DoCaprio joue très bien, les autres aussi, rien à redire (DiCaprio, j'ai mis des années à l'apprivoiser, je le préfère dans sa maturité qu'en jeune premier). Mais j'ai vu ce film en français (mauvaise pioche) et en 2D, parce que je ne suis pas une fan de la 3D.
Premier problème : on voit au premier coup d'œil que tout est fait pour la 3D. Travellings à mille à l'heure au-dessus des flots, grandes scènes de fêtes chez le grand homme… ça commence d'ailleurs dès le générique. Et ça m'a énervée. Quel sens, à part faire un film en 3D parce que c'est la mode?
Bref je suis sortie de là pas mal frustrée. Ce film ne m'avait pas touchée.
Dans les couloirs du cinéma, j'ai tendu l'oreille aux commentaires des spectateurs, et entendu deux femmes remarquer que les dialogues étaient incroyablement fidèles à ceux du livre, mais que le mystère du personnage était perdu dès les premières images ou presque. Tiens tiens…
J'ai farfouillé dans ma bibliothèque et trouvé un vieux livre de poche tout jauni: chouette, ce petit bouquin de 200 pages (que j'imaginais aussi énorme que sa renommée… étrange décidément, cette peur que j'ai devant certains titres. Sans doute née il y a bien longtemps) n'attendait plus que je l'ouvre. Ce que j'ai fait.
Une traduction désuète, délicieusement désuète, avec des subjonctifs passés en veux-tu en voilà. Mais surtout cette langue, cette finesse d'expression de certains anglo-saxons (et plus souvent encore de certaines anglo-saxonnes): j'ai immédiatement été prise dans cette atmosphère des années folles, dans l'espoir fou de cet homme, alors que tout cela m'avait laissée à la surface de l'écran.
Là, je me suis régalée. Pas envie de le finir. Et envie d'y rester… Vous connaissez.
Il est assez rare que je lise le livre après avoir vu le film. Plus souvent, je ne vais pas voir un film parce que j'ai adoré la prose, et les images qu'elle a suscitées en moi.
Un ami (bonjour Jean-Claude!) a trouvé ce témoignage de Fitzgerald:
"Tout le sens de Gatsby, c'est l'injustice qui empêche un jeune homme pauvre d'épouser une jeune fille qui a de l'argent. Ce thème revient parce que je l'ai vécu."
Pour moi, le sens (ou un des sens) de ce roman, c'est la vanité de l'avoir quand l'être se sent béant, vide, et aspire à l'amour. Je sais bien que le thème n'a rien de neuf. "Un seul être vous manque et tout est dépleuplé", comme dit l'autre. Mais la magie de la littérature est bien là : réinventer sans cesse l'humain, notamment les formes que prennent les grandes magies et les grandes tortures du cœur.
En tout cas c'est étrange, le destin des romans: celui-là a été incendié par la critique tout en connaissant un bref et flamboyant succès aux États-Unis, puis il est tombé dans l'oubli, comme son auteur, avant de devenir "un classique", comme on dit, dans les années 1950…