Une communauté de communes, la Thiérache du Centre, souhaite mener une grande action dans le cadre du centenaire de l'armistice: cet armistice qui a été décidé sur leur territoire une journée avant la date officielle. L'Aisne a payé un lourd tribu à la Première Guerre mondiale, sanglante, atroce.
Deux auteures, Pascale Perrier et moi-même : nous avons l'honneur de mener cet atelier sur le thème de la paix. Il nous a été proposé, nous avons accepté avec joie!
Y sont engagées 16 classes de primaire, soit environ 450 enfants. Y sont donc engagés plus de 16 enseignants et directeurs/directrices d'écoles, ainsi que cinq médiathèques. Les mercredis, des habitants, un chantier d'insertion, une maison de retraite viennent s'y ajouter.
Trois semaines d'interventions échelonnées sur l'année scolaire.
Vous avez peut-être déjà lu ici même les posts écrits de retour de chacune de ces expériences tellement fortes.
Avec tous ces intervenants, nous avons imaginé un monde en paix.
Ce n'est pas rien!
La paix, cela commence dans la cour de récréation.
C'est s'ouvrir à l'autre, l'accepter - à défaut parfois de le comprendre.
C'est aider à faire accepter dans un groupe de travail un enfant "en intégration" qui est en ULIS.
C'est, pour chaque participant, faire la paix avec soi-même - croire en soi. Et ceci concerne toutes les tranches d'âge. Du CP à la maison de retraite on entend des personnes affirmer "Je ne sais rien faire". Alors les petites avancées prennent des accents de grandes victoires. Un CP veut dessiner un cœur mais ne sait pas? On ne fait pas à sa place. Il tient son crayon, on le guide dans son geste. Puis il recommence, seul, et ce cœur, il sait le former. Encore et encore, avec la jubilation de la nouveauté.
Un enfant d'ULIS dit et redit "Moi je ne sais pas écrire"? Eh bien parfois il peut tout de même écrire une phrase. Il découvre qu'il est capable. Et il sourit. Parfois il ne sait pas encore, alors il va dessiner ce que le groupe formule avec des phrases. On tente de ne laisser personne au bord du chemin.
Imaginer un monde en paix, c'est aussi réfléchir sur les réflexes des humains. Si la proposition de travail d'une séance est : "Deux explorateurs vont voir ce qu'il y a plus au nord." Une terre? Si oui, est-elle habitée? Si elle est habitée, que fait-on? Une réponse fuse : "On annexe!". Et comment blâmer un enfant de ce cri du cœur, alors que tant de civilisations ont pensé ainsi? Pensent encore ainsi? Alors on discute, tous ensemble, dans la classe. On se demande s'il y a moyen de faire autrement. Si on peut aller chez l'autre et respecter sa liberté. Sans faire la morale. Jamais.
Au bout du compte, le texte qu'ils créent instaurent une rencontre, un sauvetage, une amitié qui naît.
Pas de miracle là-dedans.
Des échanges, de la culture qui entre, un début d'ouverture.
Et que restera-t-il de ces réflexions? Nul ne le sait.
Mais quelque chose est né.
Un point d'interrogation a remplacé la certitude.
Maintenant nous travaillons aux traces, Pascale, moi, la Thiérache : chaque enfant, chaque participant à cet atelier aura son livre, contenant les textes et les dessins de tous les intervenants: les pays créés, les traités de paix, les correspondances, les voyages au sein de ce monde imaginaire qui est quasiment devenu une réalité pour plus de 500 personnes - dont Pascale et moi, qui en parlons, en rêvons, le vivons.
Il y aura aussi un site internet, une exposition en Thiérache du centre au mois de novembre…
Du chemin reste à parcourir, mais d'ores et déjà : merci à tous pour cette incroyable aventure d'écriture, d'imagination, cette aventure humaine qui nous a tous, je pense, aidés à grandir un peu.